Plus la conférence "La mode et le poids des apparences" approche, plus je réalise à quel point certaines conversations, comme celles autour de l'acceptation du corps de l'autre sont nécessaires dans une société qui érige une norme en matière de poids et de silhouette.
Ça y est ! Les rondes sont de plus en plus visibles dans les médias. La révolution a été amorcée en France il y a quelques années avec notamment la couverture du magazine Elle en mars 2010 avec le mannequin Tara Lynn. Depuis, régulièrement, dans les médias on voit apparaître des rondes, mais attention, elles doivent avoir un corps conventionnel car sachez-le : n'est pas curvy qui veut.
Ronde, pulpeuse, voluptueuse d'accord mais ça s'arrête là : GROSSE non ! Jamais !
C'est d'ailleurs ce qui est ressorti de l'émission Touche pas à mon sport diffusée le 10 février 2016 sur D8 et présentée par Estelle Denis (vidéo ici). Les chroniqueurs et invités dont l'humoriste Titof nous ont bien fait comprendre qu'il y avait une certaine norme médiatique à ne pas dépasser.
La couverture d'Ashley Graham pour Sports Illustrated (édition maillots de bain) y a été présentée. Ah Ashley ! Tellement belle ! Il faut dire qu'elle a ce fameux corps conventionnel : des rondeurs placées à des endroits stratégiques à savoir de la poitrine, des fesses rebondies et juste ce qu'il faut de ventre. Touche pas à mon sport précisait d'ailleurs "attention elle fait du sport elle". Encore heureux qu'elle soit sportive. Elle est mannequin, son corps est son outil de travail. Et comme beaucoup de femmes eh bien elle prend soin d'elle.
En revanche, la couverture de Women's Running a moins fait l'unanimité car voyez-vous, le mannequin Erica Shunk qui y figure ne semble pas légitime aux yeux de ces esprits étroits pour faire la couverture d'un magazine. J'imagine que l'idée d'une femme ronde qui fait du sport est assez inconcevable pour bon nombre de personnes. Et pourtant c'est une réalité et BestofD en parle d'ailleurs dans son billet "courir en surpoids c'est largement faisable".
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Nikki Griffin / Philomena Kwao (je l'ai interviewée en 2013 ici/Ashley Graham pour SwimsuitsForAll |
Ashley Graham est l'exemple type de la ronde mais pas trop. Celle qui passe car elle est "bien foutue". Avec sa silhouette en sablier qui semble être l'archétype du corps parfait : Ashley Graham est cette femme ronde qu'on n'a pas honte de montrer, d'exhiber. C'est la femme ronde qu'on accepte.
Certains affirmeront qu'elle n'est pas ronde. Elle est normale. Eh bien je vous informe qu'Ashley fait un 48. Son 48 est juste réparti différemment que celui de votre voisine de pallier que soit dit en passant vous trouvez grosse. Ashley et votre voisine sont toutes les 2 normales.
J'en ai lu des commentaires sur les réseaux sociaux ces dernières semaines. Au sujet d'Ashley, au sujet des mannequins grande taille en général, au sujet de Tess Holliday.
Ah Tess ! La phrase qui revient souvent est que Tess Holliday est "grosse mais elle a un joli visage". Ce "MAIS" qui m'exaspère.
Il y a quelques mois, avant le ras de marée Ashley Graham, il y a eu Tess Holliday. Tess, cette femme dont la taille annoncée oscille entre le 52 et le 58 selon les médias est une grosse. Oui parce que quand on arrive à une femme qui visuellement prend beaucoup de place on dit qu'elle est grosse. Vous savez cet adjectif qu'on vous assène telle une insulte : GROSSE !
Moi ça ne me fait ni chaud ni froid.
Revenons-en à Tess. Avec la notoriété acquise il y a quelques mois, une enseigne française a décidé de faire poser ce mannequin grande taille pour sa collection des fêtes de fin d'année.
Kiabi nous proposait alors des photos de Tess Holiday prises dans un coin de mur, dans des vêtements qui semblaient serrés pour elle avec une mise en beauté très loin de ce qui faisait plaisir à voir chez ce mannequin au look très marqué.
On perdait de la modernité chez Tess et les internautes se sont déchaînés. Non. Pas les internautes. Les femmes. Les clientes de cette enseigne n'ont pas économisé leurs paroles pour montrer à quel point leur mal-être les empêchait de voir au delà d'un shooting avouons-le : raté.
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Photos issues de la pages Je ne fais pas une taille 38, et alors ? |
Voir Tess Holliday, poser en France pour une enseigne populaire est à mon sens la plus grande révolution que la mode grande taille française a pu connaître ces dernières années.
Etait-ce trop tôt ? Trop tôt car Tess est vraiment grosse. En fait elle est obèse. Et une femme obèse a l'interdiction formelle d'être vue, entendue, mise en avant.
Une femme obèse qui revendique sa féminité, qui dit être bien dans sa peau ne serait pas normale (d'un point de vue psychique j'entends). Non cette femme fait "l'apologie de l'obésité".
Cette acception revient très souvent sur les forums.
Faire "l'apologie de l'obésité". Déclarer que lorsque vous voyez Tess revendiquer le droit d'être soi, refuser d'entrer dans un moule, s'accepter et ne pas s'auto-flageller à longueur de journées du fait de son poids entraînerait l'obésité morbide des masses est d'une absurdité sans nom.
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Photo issue du compte Instagram de Tess Holliday |
Sérieusement ! On en est là. La réalité est que la grosse n'a pas droit de cité. Qu'elle reste chez elle, et qu'on ne l'entende pas, qu'elle ne daigne surtout pas s'étaler sur les réseaux sociaux en bikini ou en lingerie car il est impératif d'avoir un corps harmonieux pour cela.
Vous savez ce fameux idéal qu'on exige des rondes acceptables. Il faut que ce soit joli.
A tel point d'ailleurs que dans la "size" raccourci de "communauté qui prône la size acceptance" en France, on a complètement occulté l'essence même de la notion de Body Positive.
On érige certains corps en modèles, on s'extasie souvent sur ces derniers en oubliant l'idée que la beauté est plurielle. Que la diversité des corps fait la richesse de l'être humain. Que le Body Positive n'est pas destiné à exclure l'autre et pourtant c'est bel et bien le cas aujourd'hui et cela au coeur même de cette dite communauté.
L'idée n'est pas de glorifier l'obésité. Je ne l'ai jamais fait et ne le ferai jamais. L'idée est de commencer par s'accepter. A prendre conscience de soi en tant que personne et non pas en tant que simple enveloppe charnelle. L'idée est de s'aimer.
L'idée n'est pas de glorifier l'obésité. Je ne l'ai jamais fait et ne le ferai jamais. L'idée est de commencer par s'accepter. A prendre conscience de soi en tant que personne et non pas en tant que simple enveloppe charnelle. L'idée est de s'aimer.
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Photo issue du compte Instagram de Sarah Fraisou |
Alors imaginez ce qui arrive lorsque l'émission de TV réalité Les Anges diffusée sur NRJ12 a dévoilé le shooting en maillot de bain de Sarah Fraisou.
Je découvre ainsi l'existence de cette jeune femme dont le rêve est de devenir mannequin grande taille.
On suit son parcours à Los Angeles où elle rencontre la blogueuse et modèle Gabi Gregg qui lui donnait des conseils et l'informait des difficultés de ce métier (qui en est vraiment un) et que bon nombre de femmes rondes semblent occulter.
La blogueuse indiquait que certes les mannequins grande taille ont la côte en ce moment mais qu'il est nécessaire d'être plus fine pour accéder à ce métier.
L'un de mes contacts sur Facebook a partagé sur son mur la vidéo du shooting de Sarah.
Dans les commentaires j'ai lu une phrase terrible "son corps est dégueulasse. Gros seins, cuisses qui se collent, non elle est dégueulasse". Puis de la comparer à Ashley Graham qui elle a un "beau" corps.
Wahoo !!!!! Dégueulasse. Je ne me remets pas de cet adjectif. C'est ce qui m'a conduit à rédiger ce billet. Cette phrase m'a perturbée et bousculée.
Mon propos tient dans le fait que pour une fois, dans ce type d'émissions, on met en avant une femme au physique différent. Un physique certes atypique mais dégueulasse ? non.
Il y a des milliers de femmes, de jeunes femmes qui aujourd'hui se sentent à l'étroit dans leur corps, qui se sentent même prises au piège dans un corps qu'elles n'aiment pas du fait de normes et de standards de beauté imposés par l'industrie de la mode, par les médias, par le cinéma. Ces femmes là ont le droit d'exister. Minces ou rondes.
A vrai dire ces femmes là c'est vous, c'est moi, ce sont des adolescentes qui se privent de nourriture pour être acceptées dans la société, pour que le regard de l'autre change. Surtout à un âge où le regard de l'autre compte. Malheureusement.
J'aurais beau dire qu'il est important de s'accepter et de s'aimer pour faire face au monde et à une société qui ostracise les gros mais putain c'est dur quand le regard des autres pèse plus que les kilos.
Je partage avec vous l'observation que m'a faite mon amie Moré au sujet de cette colère que j'ai ressentie : "le regard des autres est clairement difficile à surpasser et ce d'autant dans une société aliénée par toutes formes de normes à la con...Les personnes qui émettent des jugement ssi durs sont forcément des personnes mal dans leur peau et esclaves d'une norme...Et pour toutes ses raisons la colère provoquée doit être transformée...transformée pour sortir de la prison du regard de l'autre...transformée pour un amour inconditionnel de soi. Maigre, mince, gros, obèse, jolie, charmante, excentrique, classique, masculine, féminine etc...peu importe les étiquettes... La bienveillance vis à vis de soi devient dans ce monde une question de survie. "
Je partage avec vous l'observation que m'a faite mon amie Moré au sujet de cette colère que j'ai ressentie : "le regard des autres est clairement difficile à surpasser et ce d'autant dans une société aliénée par toutes formes de normes à la con...Les personnes qui émettent des jugement ssi durs sont forcément des personnes mal dans leur peau et esclaves d'une norme...Et pour toutes ses raisons la colère provoquée doit être transformée...transformée pour sortir de la prison du regard de l'autre...transformée pour un amour inconditionnel de soi. Maigre, mince, gros, obèse, jolie, charmante, excentrique, classique, masculine, féminine etc...peu importe les étiquettes... La bienveillance vis à vis de soi devient dans ce monde une question de survie. "
Heureusement qu'il y a des médias qui y vont franchement et sans filtre comme Ebony Magasine dont le numéro de mars 2016 est dédié à l'image de soi avec en couverture la blogueuse Gabifresh, l'actrice Danielle Brooks (Orange is the new black) ainsi que les chanteuses Jazmine Sullivan et Chrisette Michele.
J'espère recevoir cette édition avant la fin de la semaine pour continuer la conversation lors de la conférence.
Des batailles nous en menons tous les jours sur une multitude de sujets; autant aller au front dans un corps qui nous plaît et vu qu'on n'en a qu'un : chérissons-le.
Des batailles nous en menons tous les jours sur une multitude de sujets; autant aller au front dans un corps qui nous plaît et vu qu'on n'en a qu'un : chérissons-le.